lundi 28 mai 2012

Dette française : quand des postures idéologiques conduisent à la stupidité politique.

             L'élection de François Hollande devait provoquer l'angoisse des marchés financiers et une panique des «hyper-riches» voire des cadres moyens, estimant leur patrimoine menacé. N'a-t-on pas entendu parler d'exil en Belgique et en Suisse ? Des grands médias d'information n'ont-ils pas fait témoigner des avocats fiscalistes pour dire combien la demande de transferts de fortune vers l'étranger était grande ? A titre personnel, j'ai même entendu des médecins se poser la question d'aller vivre hors de France. En exil, tout simplement ! L'arrivée au pouvoir de François Hollande serait synonyme de dépenses si ruineuses, de marasme économique si profond et de rupture consommée avec l'Allemagne, que Bernard Accoyer, Président UMP de l'Assemblée Nationale sortante, Maire d'Annecy, en aura même parlé, excusez du peu, de «situation comparable à celle d'un état de guerre » conduisant à une remontée telle des taux d'intérêts, que la France serait engagée dans une spirale infernale d'endettements la conduisant irrémédiablement à la faillite.

                Il n'en est rien ! Chacun prendra ses responsabilités, en assumant des propos qui insultent l’avenir. Non seulement il n'en est rien, mais c'est même l'inverse qui se produit ! Depuis le 6 mai dernier, les taux d'emprunt de la France sur les marchés financiers et le rendement des obligations souveraines à 10 ans sont tombés à 2,47%. Le niveau le plus bas jamais enregistré. Le lundi 7 mai 2012, par exemple, le Trésor Public a levé auprès des banques 8 milliards d'euros à 5 ans en l'espace de quelques heures. La demande a été si forte de la part des Banques, que certaines n'ont été servies qu'à un taux de 1,72 %.


             La crise de la dette s'est accentuée dans certains États de la zone euro. La Grèce, qui refuse de continuer sur la seule voie de l'austérité, présente une situation de son endettement telle que sa sortie provisoire de la zone euro apparaît de plus en plus comme un remède. En Espagne, où les banques ont distribué sans mesure des prêts immobiliers à des particuliers que la crise de l'emploi rend aujourd'hui insolvables, sont créées les conditions d'une faillite de certaines banques, faillite comparable à celle qui a provoqué la crise des « subprimes » aux Etats-Unis. La récession s'aggrave, le taux de chômage explose et trace la spirale infernale de l'appauvrissement. En Italie où la croissance ne repart pas en raison de mesures drastiques de réduction de l'investissement public, d'inspiration allemande, et de réformes introuvables de l’État.

  Ces situations ont tendance à faire baisser l'euro sur le marché des changes. Ce qui est une bonne nouvelle ! La parité euro/dollar, avec un euro trop cher, dûe à une orthodoxie quasi intégriste de la BCE, elle aussi d'inspiration allemande, jusqu'en décembre 2011, a pénalisé gravement les PME et les exportations françaises. Les capitaux flottants, pétro-dollars arabo-persiques, excédents budgétaires chinois, fonds de pension divers, à la recherche de rendements sécurisés, se concentrent sur des achats d'obligations publiques dans les Etats qui ont le moins de problèmes : l'Allemagne et la France, en Europe. Ces capitaux errants, si massifs qu'ils ne savent plus où se fixer, privilégient actuellement la sécurité sur le rendement et font baisser les taux d'intérêts à long terme. Un des enjeux majeurs des années à venir sera de canaliser ces capitaux vers l'investissement industriel, porteur d'avenir collectif, mais dont le rendement n'est garanti que sur une durée longue.

            Dans une conjoncture favorable, le changement de pied politique en France est loin d'être étranger à l'embellie sur les marchés bancaires. L'exigence de croissance, portée à Berlin, à Bruxelles, au G8 et au G20 (augmentation du PIB d'au moins 1,5%), ont fait bouger des lignes en Europe et au FMI. La preuve est faite que la seule réduction des dépenses publiques ne conduit qu'à une diminution de la richesse nationale, par récession et asphyxie de la demande, par assèchement des investissements. D'autant que ces politiques, destinées à favoriser le rendement du capital, non seulement échouent pour le capital lui-même, mais également pour les entreprises et la liberté d'entreprendre, et, plus grave encore, sont porteuses de situations politiques et sociales comparables à celles des années 1930 en Europe. « Le ventre est encore fécond, d'où a surgi la bête immonde. » (Bertold Brecht)

                  Les mesures de relance à court terme ne suffiront pas à elles seules au retour de la prospérité, mais elles donneront un peu d'air à l'activité économique et recréeront de la confiance. D'autant que le gouvernement français s'est prononcé pour le respect des engagements budgétaires annoncés, à savoir un retour à un déficit voisin de 3% du PIB en 2013 et de l'équilibre pour 2017. Encore que ces échéances pourront être réétalées, dans le cadre d'un retour de la croissance. Et, en attendant, les agences de notation, maintiennent leurs notes. Moody's vient de confirmer le triple A de la France.

                 La baisse des taux d'intérêt à long terme est une bonne nouvelle pour la France. Elle permet à l’État, en empruntant moins cher auprès des Banques, de réduire la charge de la dette et ce dès 2012, alors que le budget a été préparé sur la base d'un taux moyen de 3,7 % sur l'année. Soit, au moins, 1 % de plus qu'aujourd'hui. Le service de la dette pour 2012 pourrait être d'1 milliard d'euros inférieur à celui prévu. De quoi financer sans difficultés les quelques engagements en faveur de la famille et des Services Publics. D'autant que cette prudente estimation ne tient pas compte de la baisse récente des rendements de longue durée et ne se concentre que sur les effets de la baisse des taux à trois mois. Le montant final de la charge de la dette pourrait être ainsi considérablement diminué, la durée moyenne des titres des dettes de l'Etat étant de l'ordre de 7 à 10 ans.
      Loin de confirmer les prévisions catastrophiques de certains, essentiellement inspirées d'options idéologiques qui ont plusieurs décennies de retard sur le réel, la France dispose sur le court terme de 4 leviers :
  • un euro moins cher face au dollar, favorisant les exportations (et ne renchérissant pas le coût du pétrole dont la tendance est baissière)
  • une baisse des taux d'intérêts à court, moyen et long termes, allégeant la charge de la dette et permettant un assainissement plus facile des finances publiques,
  • une inflation de l'ordre de 2,5 % favorisant les rentrées fiscales en euro courant,
  • une croissance attendue de 1,5 % sur 2013, favorisant et les rentrées fiscales, et l'activité économique, source d’emplois nouveaux.

Ainsi « des marges de manœuvre » budgétaires nouvelles vont-elles pouvoir financer une relance des investissements industriels, porteurs d'avenir, réduire le chômage, garantir les niveaux de protection sociale, arrêter les dégradations des services publics et même permettre de reconsidérer..... l' âge de la retraite.

             La question fondamentale pour la France et l'Europe sera d'inscrire le court terme dans une perspective d'un développement durable. Non pas fondé sur la décroissance, le retour à la lampe à huile n’étant pas à l’ordre du jour, mais sur une vision écologique et humaniste de notre avenir. Il y a le temps court de l'urgence, qui permet de passer le cap, et la cohérence des choix pour le temps long.

                 Le débat reste ouvert.











Gérard Bligny, le 25 mai 2012



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